De mémoire de fan de la Société française de lutte contre le sida (SFLS), on n’a jamais vu une telle affluence au Congrès annuel de notre société soignante et savante : près de 700 participants ! En joignant les ardeurs thématiques de Sexualités & addictions, avec un "s" pluriel comme il se doit, le comité d’organisation local, emmené par Jacques Reynes et Magali Faure, a mis les petits plaisirs dans les grands. Jusqu’à la très addictogène soirée de ce 17e congrès, sise “aux Grands Enfants” (!), et qui en aurait presque fait oublier les 20 ans de la SFLS au Banana Café de Paris en 2014…

Même si d’aucuns regrettaient que les abstracts sélectionnés n’aient droit qu’à une communication affichée, force est de constater que le dosage entre addictologues, sexologues, associatifs, chercheurs, épidémiologistes, psychiatres, etc. a été d’une belle inclinaison, d’un bon dosage, comme en attestent le remplissage des salles et la fréquentation des posters qui ne connurent nulle détumescence ; depuis le démarrage haut perché en représentations sociales et sans “a priorisme” de Thémis Apostolidis (Aix-en-Provence), avec Jean-Pierre Couteron (Fédération Addiction & Swaps) en “clinicien” plus ancré sur le terrain des flashs, jusqu’au “scoop” de la mise à jour des recommandations d’experts, présentées en plénière par Philippe Morlat (Rapport Morlat) en personne. Sans compter une séance additive, hors programme, en fin de première journée, consacrée à l’avenir des COREVIH (comités de coordination régionale de la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine) ; un avenir inégalement incertain, comme l’a précisé dans une tribune virile l’ancien président de la SFLS, Éric Billaud (http://vih.org/20161004/lutte-contre-vih-qui-sonne-glas/138603). Les derniers chiffres de l’épidémiologie tendent en effet, comme l’a illustré Virginie Supervie (Inserm et UPMC), à se focaliser sur 3 régions hors DOM (Île-de-France, PACA et Rhône-Alpes) qui cumulent plus de 50 % des nouvelles infections survenues en 2013. Focalisation qui, selon l’expression d’Eric Billaud, “jette un voile pudique sur la situation dans le reste de la France métropolitaine”. Là où certains COREVIH pourraient voir leur Agence régionale de santé (ARS) les priver du champ de la santé sexuelle et de la prévention plurielle qui y est associée. Pas certain que les très attendus résultats de l’étude PREVAGAY-ANRS permettent de se tranquilliser sur les prises de risque “en région”.
C’est bien l’enseignement d’un tel congrès, pluridisciplinaire par essence, que de passer, en un va-et-vient incessant, des problématiques individuelles à celles d’intérêt collectif. Ce qui s’échange à la SFLS est assez unique, et ce Flash-Infos en rend compte de manière partiale et partielle, tout en gardant l’éclectisme du programme ; drogues de synthèse chez les hétéros aussi, slam chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), parcours de soins sous toutes ses formes, nouvelles formes galéniques des antirétroviraux, suivi insuffisant des femmes au regard des recommandations, activité en centre de santé sexuelle ou en CeGIDD, PrEP, etc. En espérant que l’année qui nous fait attendre le prochain congrès, à Nice, verra des avancées tangibles dans la prévention et la cascade, tant au niveau individuel que populationnel.

Gilles Pialoux, vice-président de la SFLS et président du 15e congrès
* Citation de Woody Allen, bien sûr.