Aide médicale de l’Etat : le CNS réaffirme le principe intangible d’accès universel à la prévention et aux soins
Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida : renforcer la prise en compte des inégalités sociales de santé
Aide médicale de l’Etat : le CNS réaffirme le principe intangible d’accès universel à la prévention et aux soins
Ces dernières semaines, la question des conditions d’accès aux services de prévention et de soins des personnes migrantes vivant en France, et celle de la restriction aux soins urgents de l’aide médicale de l’État (AME) sont revenues dans le débat public. Le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) réaffirme sa position en faveur du maintien de l’AME, qui contribue à favoriser l’accès aux soins des personnes étrangères en situation irrégulière.
Un dispositif de santé publique indispensable
Les personnes migrantes représentent la moitié des nouvelles découvertes de séropositivité au VIH en France et près d’une sur deux a contracté l’infection après être arrivée sur le territoire national. Des conditions de vie souvent difficiles, marquées par une précarité à la fois socio-économique et administrative, sont un facteur majeur d’exposition accrue aux risques de santé, en particulier au VIH et aussi aux hépatites B et C, aux troubles mentaux et aux violences sexuelles. L’AME permet l’accès au système de santé pour une partie de ces personnes qui ne peuvent bénéficier de l’Assurance Maladie. Alors que la réforme de ce dispositif conduite en 2019 a déjà compliqué et ralenti cet accès, sa restriction aux seuls soins urgents ferait obstacle à leur accès à la prévention et aux soins primaires, au dépistage, aux vaccinations, à la prophylaxie antirétrovirale pré-exposition du VIH (PrEP) et, pour les personnes infectées, au traitement antirétroviral qui permet de ne plus transmettre le virus. Outre les pertes de chances pour les personnes, cela créerait les conditions d’une recrudescence des infections par le VIH dans l’ensemble de la population, alors que les outils préventifs pour mettre fin à la transmission existent. Une telle transformation du dispositif alourdirait par ailleurs le coût global pour la collectivité, du fait des prises en charge plus tardives. Elle ferait également peser l’activité de soins et la charge financière intégralement sur les hôpitaux, et en particulier sur les services d’urgence, ce qui apparaît difficilement soutenable dans le contexte actuel de crise hospitalière et de détérioration des conditions de travail des soignants.
Un principe de solidarité auquel la France s’est engagée
Depuis plusieurs années, le CNS appelle à une mise en cohérence de l’action publique et à un effort plus volontariste en faveur de l’accès à la prévention, au dépistage et à la prise en charge des populations clés de l’épidémie d’infection par le VIH. Les objectifs fixés par la Stratégie nationale de santé sexuelle (SN2S) et par l’ONUSIDA visant à mettre fin à l’épidémie à l’horizon 2030 sont incompatibles avec une restriction de l’AME : assurer, sur le territoire national et partout dans le monde, un accès universel aux soins pour toutes les personnes vivant avec le VIH ou susceptibles d’y être particulièrement exposées, reste la condition pour parvenir à réduire efficacement le nombre de nouvelles contaminations. Les efforts conséquents engagés depuis des décennies par la France dans la lutte contre les maladies transmissibles imposent donc de faciliter l’accès et d’améliorer le recours aux services de santé des personnes migrantes – qui se situent au carrefour des facteurs multiples et souvent combinés de précarité socio-économique, d’origine, de situation administrative, de genre et d’orientation sexuelle.
Dans un contexte de banalisation croissante dans le débat public d’une remise en cause du droit fondamental à la santé et des principes d’égalité des droits, le Conseil juge plus que jamais essentiel que la parole politique réaffirme le principe intangible d’accès universel à la prévention et aux soins et sa volonté de mettre en œuvre une politique de santé publique éthique, cohérente, et solidaire.
Contact : Laetitia Barth, Chargée de communication - 06 59 44 16 04 - laetitia.barth chez sante.gouv.fr
Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida
À l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida, le Conseil national du sida et des hépatites virales (CNS) souligne l’importance de considérer les inégalités d’accès aux services de santé, liées au genre et aux autres déterminants sociaux de santé, dans l’élaboration de la troisième feuille de route de la Stratégie nationale de santé sexuelle (SNSS).
Des inégalités persistantes
Les dernières données de Santé publique France permettent de mieux appréhender la dynamique de l’épidémie, grâce à de nouvelles estimations, par populations clés, de l’incidence du VIH, des délais entre la contamination et le diagnostic ainsi que du nombre de personnes infectées et non encore diagnostiquées.
Le nombre de nouvelles contaminations en France en 2023 est estimé à 3650.
La baisse observée pendant dix ans, concentrée dans la population des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) nés en France, et liée à une fréquence plus élevée du dépistage et au déploiement de la PrEP, est interrompue depuis 2021. Chez les HSH nés à l’étranger elle augmente depuis plusieurs années. Plus de 4 personnes sur 10 nées à l’étranger qui ont découvert leur séropositivité en 2023 ont été contaminées après leur arrivée en France. Parmi elles, le nombre de nouvelles contaminations, notamment chez les femmes, augmente depuis 2021. Par ailleurs, il demeure dans tous les groupes de transmission une proportion de personnes trop tardivement diagnostiquées, notamment parmi les populations migrantes et les plus précaires, qui contribue de façon majeure à la poursuite de l’épidémie. On estime ainsi à 10 756 le nombre de personnes qui, en 2023, étaient porteuses du VIH mais l’ignoraient.
En dépit de progrès très significatifs depuis une décennie, la réduction de l’épidémie paraît donc marquer le pas. Le déploiement de la prévention diversifiée, incluant le dépistage dans ses différentes modalités et l’offre de PrEP, demeure inégal sur le territoire et n’atteint pas une partie des populations les plus exposées.
Vers une action publique systémique et solidaire
En tant que signataire des objectifs ONUSIDA, la France doit donc intensifier ses efforts, dans le cadre de la Stratégie nationale de santé sexuelle. Sa troisième feuille de route, qui sera élaborée dans les mois à venir, devra consolider les actions engagées jusqu’alors, accroître le déploiement de la prévention diversifiée et réduire les inégalités d’accès. Elle devra tenir compte des dernières données de l’enquête Contextes des sexualités en France, concernant l’évolution des pratiques et l’usage des outils de prévention, dont le préservatif.
Une approche systémique, mobilisant l’ensemble des acteurs de la santé et de la prévention, est essentielle : il s’agit d’accentuer la mobilisation de l’État non seulement dans le champ de la santé mais également dans les autres secteurs tels que l’Éducation nationale, l’Enseignement supérieur ou la Justice. L’État doit renforcer la coordination des professionnels de santé et du médico-social en ville et dans les zones moins denses, y compris en soins primaires, dans une approche globale de santé sexuelle impliquant les collectivités territoriales. Pour répondre aux besoins des personnes les plus exposées et éloignées du système de santé, il faut également soutenir les actions des associations et renforcer les dispositifs existants tels que l’Aide médicale d’État (AME) et les droits au séjour pour raisons de santé.
Alors que l’incidence du VIH ne diminue plus et que l’épidémie demeure un enjeu majeur de santé publique, le CNS appelle les décideurs à adopter une feuille de route ambitieuse pour la SNSS afin d’atteindre les objectifs 2030. Celle-ci doit promouvoir une politique publique inclusive, qui combatte les inégalités sociales et territoriales, et qui soit alignée sur les exigences éthiques et les objectifs de santé publique de la France. L’enjeu est de garantir à toutes et tous un accès équitable et digne aux moyens de prévention et de soins.
Contact : Laetitia Barth, Chargée de communication - 06 59 44 16 04 - laetitia.barth chez sante.gouv.fr