Paris, le 24 Novembre 2023.
La Journée mondiale de lutte contre le VIH/sida a lieu dans une semaine, vendredi 1er décembre. À cette occasion, Actions Traitements donne la parole à deux personnes vivant avec le VIH. À travers leurs témoignages, Thaïs et Pierre nous expliquent ce que cela change dans leur vie, dans leur relation aux autres et dans leur sexualité, de savoir que, grâce à leur traitement, ils ne peuvent pas transmettre le VIH. C’est le point de départ d’une opération de plus grande envergure, qui vise à recueillir et à valoriser la parole et le vécu des personnes vivant avec le VIH. Rencontre !
Pierre n’était pas encore né quand l’équipe de l’institut Pasteur a identifié le virus du sida, le VIH, pour la première fois en 1983. Né en 1985, c’est en 2008 qu’il a appris sa séropositivité, quelques mois à peine après la publication du Rapport Hirschel (ou « Avis suisse ») le 1er décembre 2007. Pourtant, Pierre a dû attendre cinq ans après son diagnostic, avant d’apprendre qu’une personne vivant avec le VIH, prenant un traitement efficace (et avec une charge virale indétectable) ne pouvait pas transmettre le virus à ses partenaires. Malgré l’intérêt évident de cette information scientifique révolutionnaire, confirmée par plusieurs essais cliniques* de grande envergure, celle-ci tarde toujours à se diffuser largement auprès du grand public et de l’ensemble des professionnel·le·s de santé.
RAPPEL : en novembre 2022 nous avons organisé un webinaire tout public afin de présenter le détail des preuves scientifiques accumulées depuis la publication du Rapport Hirschel en décembre 2007*. Son titre : « Indétectabilité du VIH : quand la science avance plus que les mentalités ».
Née en 1974, Thaïs a découvert sa séropositivité en 1992, à une époque où les médicaments efficaces (utilisés en trithérapie ou plus) n’existaient pas encore. Depuis d’énormes progrès ont été réalisés, permettant aux personnes séropositives diagnostiquées et traitées d’avoir une espérance de vie similaire à la population générale. Quand Thaïs a entendu dire pour la première fois, quelques mois après l’annonce officielle, que l’efficacité de son traitement antirétroviral lui permettait de ne pas transmettre le virus à ses partenaires, la nouvelle s’est également accompagnée de beaucoup de questions. Il a fallu du temps avant que les avis soient unanimes quant à l’effet protecteur du traitement des personnes séropositives pour leur partenaires. Un temps qui n’a pas empêché Thaïs de donner naissance à un enfant séronégatif en 2018, alors que quelques années plus tôt son médecin l’avait fortement dissuadée de tenter l’aventure de la maternité.
RAPPEL : nous avions publié un communiqué de presse le 30 novembre 2022, intitulé « VIH indétectable = intransmissible : le risque zéro existe et il est grand temps de le faire savoir ! ». Ce communiqué était basé sur les affirmations, sans équivoque également, des deux spécialistes qui avaient participé à notre webinaire : le Pr Gilles Pialoux de l’Hôpital Tenon et le Dr Michel Ohayon du centre de santé Le 190.
La nouveauté 2023 est venue de l’Organisation Mondiale de la Santé ! On parle souvent de risque proche de zéro ou très faible ou quasi nul, en ajoutant parfois que le « le risque zéro n’existe pas ». Cela réduit considérablement la compréhension et la portée du message pourtant simple : « VIH indétectable = intransmissible ». L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) s’est saisie du sujet cet été, en publiant des nouvelles directives sans équivoque. L’institution affirme tout simplement qu’avec une charge virale indétectable, il y a ZÉRO RISQUE de transmission du virus par voie sexuelle. Pour cela l’OMS se base sur les normes internationales selon lesquelles on considère que la charge virale (nombre de copies du VIH par millilitre de sang) est indétectable lorsqu’elle est inférieure à 200 copies ! Or, en France, on dispose de matériel capable de quantifier précisément le niveau de virus jusqu’à 50 voire même 20 copies de virus par millilitre de sang. Cela crée une confusion dans l’esprit de beaucoup de personnes, notamment celles qui s’inquiètent de voir leur charge virale remonter à 60, 100 ou même 180 copies de VIH par millilitre de sang, pensant qu’elles risquent à nouveau de transmettre le virus à leur(s) partenaires. Pourtant, d’après les normes internationales, leur charge virale est toujours inférieure à 200 mml/L de sang, donc INDÉTECTABLE et SANS RISQUE de transmission. C’est donc d’autant plus important de donner vie à ces informations scientifiques, de faire en sorte qu’elles soient incarnées dans une réalité quotidienne, celle des personnes vivant avec le VIH. Thaïs et Pierre sont deux exemples concrets, parmi les 190 000 personnes vivant avec le VIH en France, de ce que cela change au quotidien d’avoir une charge virale indétectable. Savoir qu’on ne peut pas transmettre le virus à son, sa ou ses partenaires, retrouver une sexualité libérée de la peur de transmettre le VIH, avoir un enfant sans risquer de lui transmettre le virus, etc. Ce sont des conséquences concrètes d’une charge virale indétectable. Se retrouver à faire l’éducation de son entourage, de ses partenaires, voire à bousculer les convictions des professionnel·le·s de santé qui jalonnent leurs parcours de soins, c’est cela aussi avoir une charge virale indétectable, pour Thaïs et Pierre comme pour beaucoup d’autres. À quelques jours du 1er décembre 2023, nous avons donc souhaité donner la parole à des personnes concernées, à travers ces extraits de témoignages de Thaïs et Pierre. S’ils sont prêt·e·s à témoigner, y compris à visage découvert, c’est parce qu’ils souhaitent autant que nous faire évoluer radicalement le regard de la société sur la vie avec le VIH, sur les personnes concernées, ainsi que la prévention. |
* De l’essai HPTN 052 (2011) aux deux essais PARTNER 1 et 2 (2014 et 2018), des dizaines de milliers de rapports sexuels (77 000 rien que dans Partner 2 !) ont été étudiés et ont permis de confirmer l’affirmation d’origine : aucune transmission du VIH n’a été observée entre partenaires sérodifférents, hétérosexuels ou homosexuels, avec pénétration vaginale et/ou anale, sans usage de préservatif ni de la PrEP, pendant toute la durée de ces études. Ces essais cliniques étaient présentés par le Pr Gilles Pialoux (Hôpital Tenon) pendant le webinaire organisé par Actions le 21 novembre dernier.