Quelques actualités et informations dans le domaine du VIH

Le TasP dans tous ses états
L’été, qui a permis de finaliser cette nouvelle livraison de Sur le Vif, a été riche en informations, notamment dans le sillage de la 12e conférence scientifique sur le VIH, l’IAS 2023, qui s’est tenue à Brisbane, en Australie. Conférence où l’OMS a révisé sa position officielle sur le traitement comme outil de prévention (TasP) avec cette affirmation : “Une personne traitée, même avec une charge virale détectable mais à moins de 1 000 copies, ne peut pas transmettre le VIH”. À l’appui, un document qu’il conviendra d’expliquer en consultation avec les distinctions entre charge virale “non supprimée” ( > 1 000 cp), “indétectable” (en dessous du seuil) et entre les deux “supprimée mais détectable” [1]. Pour une personne vivant avec le VIH (PVVIH) avec une charge virale “supprimée”, le risque de transmission est “presque nul ou négligeable” selon l’OMS. Le document s’accompagne d’une revue de la littérature sur le sujet dans le Lancet, dont la conclusion va dans le même sens [2]. L’Australie donne l’exemple préventif au reste du monde, avec notamment un quartier du centre de Sydney, “Inner Sydney”, où les HSH représentent plus de 20 % de la population masculine (20 %), qui a réduit de 88 % le nombre de nouvelles infections par le VIH, ce qui ferait potentiellement de cette ville la première au monde à pouvoir atteindre l’objectif de l’ONU d’éliminer le VIH/sida en tant que menace de santé publique d’ici à 2030. L’étude TAIPAN, une étude australienne en vie réelle avec 10 ans de suivi, présentée et discutée dans cette édition de Sur le Vif, confirme l’efficacité de la prévention combinée du VIH. Il y est démontré, par exemple, qu’une augmentation de 1 % de la prévalence de la suppression virale dans cette population correspondait à une diminution de 6 % de l’incidence du VIH. Tant et si bien que le TasP chez les hommes gays et bisexuels vivant avec le VIH, renforcée par l’apparition de la PrEP en 2016 pour leurs partenaires, est corrélée à une baisse des deux tiers du nombre de nouvelles infections VIH en Australie entre 2010 et 2019. Au-delà des données scientifiques indiscutables, il restera à convaincre les usagers potentiels de l’efficacité du TasP. La route est longue. Les derniers résultats de l’enquête Rapport au Sexe (ERAS) 2017-2019-2021 conduites par Annie Velter (Santé publique France) chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes séronégatifs pour le VIH en atteste. Parmi les hommes séronégatifs, sexuellement actifs dans les 6 mois avec un partenaire occasionnel au dernier rapport, le recours au TasP comme outil de prévention concerne 0,6 % à 0,8 % d’entre eux [3].

Références
[1] https://www.who.int/publications/i/item/9789240055179
[2] https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(23)00877-2/fulltext
[3] http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2022/24-25/2022_24-25_1.html

Auteur : Gilles PIALOUX - Médecin Maladies infectieuses et tropicales Hôpital Tenon, AP-HPParis
Espérance de vie après 2015 des PVVIH sous traitement ARV : comparable à celle de la population générale excepté pour les “late presenters”
D’après Trickey A et al., Lancet HIV 2023 ;10:e295-307, actualisé
L’espérance de vie des PVVIH sous traitement antirétroviral a considérablement augmenté au cours de ces 25 dernières années. La plupart des études antérieures sur l’espérance de vie étaient basées sur les données des premières années suivant le début de la thérapie antirétrovirale, lorsque la mortalité est la plus élevée. Les auteurs de cette étude ont cherché à estimer l’espérance de vie des adultes séropositifs sous traitement antirétroviral depuis au moins un an en Europe et en Amérique du Nord à partir de 2015. Ils ont pour cela utilisé les données relatives aux PVVIH sous traitement antirétroviral de l’Antiretroviral Therapy Cohort Collaboration et de l’UK Collaborative HIV Cohort Study. Les participants inclus ont commencé un traitement antirétroviral entre 1996 et 2014 et l’ont suivi pendant au moins un an en 2015, ou ont commencé un traitement antirétroviral entre 2015 et 2019 et ont survécu pendant au moins un an ; tous les participants étaient âgés d’au moins 16 ans à l’initiation du traitement antirétroviral. Les résultats montrent que, parmi les 206 891 personnes séropositives incluses, 5 780 décès ont été enregistrés depuis 2015. Les femmes séropositives âgées de 40 ans avaient encore 35,8 ans (IC95 : 35,2-36,4) à vivre si elles avaient commencé un traitement antirétroviral avant 2015, et 39,0 ans (38,5-39,5) si elles avaient commencé un traitement antirétroviral après 2015. Pour les hommes séropositifs, les estimations correspondantes étaient de 34,5 ans (33,8-35,2) et 37,0 (36,5-37,6). Les femmes dont le taux de CD4 était inférieur à 49 cellules par μL au début du suivi avaient un nombre ultérieur d’années de vie estimé à 19,4 ans (18,2-20,5) à l’âge de 40 ans si elles avaient commencé un traitement antirétroviral avant 2015 et de 24,9 ans (23,9-25,9) si elles avaient commencé un traitement antirétroviral après 2015. Les estimations correspondantes pour les hommes étaient de 18,2 ans (17,1-19,4) et de 23,7 ans (22,7-24,8). Les femmes dont le taux de CD4 était d’au moins 500 cellules par μL au début du suivi avaient un nombre ultérieur d’années de vie estimé à 40,2 ans (39,7-40,6) à l’âge de 40 ans si elles avaient commencé les ARV avant 2015 et à 42,0 ans (41,7-42,3) si elles l’avaient débuté après 2015. Les estimations correspondantes pour les hommes étaient de 38,0 ans (37,5-38,5) et 39,2 ans (38,7-39,7). En conclusion, pour les PVVIH sous traitement antirétroviral et avec un taux initial de CD4 élevé ayant survécu jusqu’en 2015 ou ayant initié un traitement antirétroviral après 2015, l’espérance de vie n’est inférieure que de quelques années à celle de la population générale, quelle que soit la date à laquelle le traitement antirétroviral a été débuté. Cependant, pour les PVVIH avec un faible taux de CD4 au début du suivi et donc diagnostiqués à un stade avancé (late presenters), les estimations de l’espérance de vie sont substantiellement plus basses, soulignant l’importance d’un diagnostic et d’une mise sous traitement précoce.

Auteur : Dr Jean-Luc MEYNARD - Médecin Maladies infectieuses et tropicales Hôpital Saint-Antoine, AP-HPParis
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Expert : Emma TORRES - Infirmier / Infirmière Paris
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